DÉMESURES DE GUERRE : ABUS, IMPOSTURES ET VICTIMES D’OCTOBRE 1970
Dans: ÉtudesL’IRAI dévoile l’intégralité de son étude intitulée Démesures de guerre : abus, impostures et victimes d’Octobre 1970. Grâce à la collaboration de sept chercheuses et chercheurs, l’étude porte un regard nouveau sur les dimensions historiques, politiques et juridiques de la Crise. Cinquante ans plus tard, des archives inédites révèlent que les mesures de guerre n’ont jamais été proclamées légalement, en octobre 1970.
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« Pas question de faire appel à l’armée. On n’utilise pas l’armée contre les civils canadiens », déclarait le premier ministre Justin Trudeau en février 2020 ; « l’histoire nous enseigne que cela peut être très difficile si on recourt rapidement à la force. »
À l’aube des 50 ans de la crise d’Octobre, le premier ministre Trudeau faisait-il allusion à cet automne, figé dans le temps, où Ottawa n’a pas hésité à recourir à la force ? Cet automne où tout un peuple a été marqué au fer rouge par le déchaînement des violences ?
En octobre 1970, le Front de libération du Québec enlève tour à tour le diplomate britannique James Richard Cross et le vice-premier ministre du Québec Pierre Laporte. Il s’agit des premiers enlèvements politiques à survenir en Amérique du Nord. La population est sous le choc.
La riposte gouvernementale est implacable. Le 15 octobre, les autorités ordonnent la plus importante intervention militaire en temps de paix de l’histoire du Canada. Ottawa déploie quelque 12 500 militaires sur le territoire du Québec ; presque autant que les 14 000 soldats envoyés pour libérer l’Europe lors du débarquement de Normandie.
Mais ce n’est là qu’un coup de semonce. Quelques heures plus tard, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau proclame la Loi sur les mesures de guerre ; une première depuis les deux guerres mondiales. Policiers et militaires déclenchent alors une rafle sans précédent. Au beau milieu de la nuit, ils débarquent sans mandat chez des milliers de Québécois. Plus de 36 000 sont perquisitionnés, et quelque 500 sont arrêtés. Plusieurs resteront derrière les barreaux durant des semaines, voire des mois ; pour la plupart, leur seul crime sera d’avoir prôné des idées de gauche ou d’avoir milité pour l’indépendance du Québec.
L’abîme appelle l’abîme, et à la démesure succède la folie. Le meurtre abject de Pierre Laporte marque d’une pierre noire les événements d’Octobre. Le silence s’impose alors comme une chape de plomb : coupable ou pas, c’est tout un peuple qui vient de perdre son innocence. Les années passent et le silence se change en tabou, puis le tabou en oubli.
Or, cet oubli n’a pu se faire qu’au détriment de la vérité. Pour beaucoup, de grandes zones d’ombre entourent encore l’imposition des mesures de guerre. Cinquante ans plus tard, cependant, cet aveuglement n’a plus sa raison d’être. La crise d’Octobre n’aura fait que des perdants, et reconnaître une injustice ne requiert pas d’en nier une autre.
La vérité est essentielle : c’est une vérité qui libère ; une vérité qui guérit. Des couloirs des prisons jusqu’aux coulisses du pouvoir, la présente étude entend faire toute la lumière sur l’imposition des mesures de guerre, à l’automne 1970.
Au chapitre 1, l’historienne Manon Leroux recadre les mesures de guerre dans le récit plus large de la crise d’Octobre. Elle revient notamment sur les années bouillonnantes qui ont précédé les événements de l’automne 1970. Parallèlement à l’essor du FLQ, le Québec était aussi le théâtre d’une effervescence sociale jusqu’alors jamais vue : éveil national, mouvements ouvriers, revendications étudiantes, conflits politiques…
Au chapitre 2, les journalistes Catherine Paquette et Nora T. Lamontagne dévoilent au grand jour le récit bouleversant des personnes emprisonnées en vertu des mesures de guerre. Entrevues inédites, archives oubliées, témoignages du passé : la rafle d’Octobre vécue de l’intérieur, comme on ne l’a jamais racontée.
Au chapitre 3, le politologue Mathieu Harnois-Blouin se penche sur des documents d’archives inédits pour conclure qu’Ottawa ne disposait d’aucune information permettant de croire à une insurrection appréhendée. Le gouvernement a simplement décidé à recourir à la Loi sur les mesures de guerre ; du reste, la fin a justifié les moyens – quitte à ajuster la vérité en cours de route.
Au chapitre 4, le professeur Guy Bouthillier remonte la vie de Pierre Elliott Trudeau et y relève de nombreux présages qui donnent peu à peu les traits d’une fatalité à l’imposition des mesures de guerre. Un jeune homme aux ambitions dévorantes ; une fascination latente pour les arrestations nocturnes ; des menaces ouvertes à l’endroit des indépendantistes…
Au chapitre 5, le professeur Daniel Turp démontre que les mesures de guerre ont donné lieu à de nombreuses violations des droits et libertés individuels garantis par le droit international. Il conclut également à une violation du droit à l’autodétermination du peuple québécois, les autorités ayant profité de la crise d’Octobre pour cibler les militants indépendantistes.
Au chapitre 6, finalement, l’avocat Anthony Beauséjour dévoile une découverte fondamentale qui exigera de réévaluer ce qu’on croyait savoir sur certains aspects de la crise d’Octobre. Cinquante ans plus tard, il révèle que les mesures de guerre ont uniquement été proclamées en anglais, et qu’elles ont donc toujours été invalides et n’ont en principe jamais existé. Arrestations sans mandat ; détentions interminables ; perquisitions aléatoires – tout était purement illégal, mais autorisé par le Cabinet fédéral.
À la fin de l’étude, l’annexe 1 propose la liste la plus complète à ce jour des personnes détenues en vertu des mesures de guerre durant la crise d’Octobre. L’annexe 2 contient la Loi sur les mesures de guerre ; l’annexe 3, la Proclamation des mesures de guerre ; l’annexe 4, le Règlement sur les mesures de guerre ; et l’annexe 5, la Loi de 1970 concernant l’ordre public (mesures temporaires), surnommée la Loi Turner. Finalement, l’annexe 6 présente une copie de la version originale de la Proclamation et du Règlement, tels qu’approuvés par le Cabinet fédéral et que sanctionnés par le gouverneur général dans la nuit du 15 au 16 octobre 1970.