MISSION DE L’IRAI EN CATALOGNE | JOUR 2
Un échange fort intéressant avec une leader catalane, Gemma Calvet
Daniel Turp et Geneviève Baril ont rencontré Gemma Calvet, ex-députée au Parlement catalan et auteure de l’essai politique « Qu’arrive-t-il de nous? ».
De notre échange, voici ce que nous retenons, notamment.
Gemma Calvet plaide pour une Catalogne (Catalunya) indépendante afin d’avoir un état plus démocratique et transparent dont le pouvoir politique est plus près des citoyen
-ne-s. Pour Gemma Calvet, la création d’un nouvel État est une opportunité pour faire les choses autrement.
Pour Gemma Calvet, deux conditions pour réaliser l’indépendance seraient l’unité du mouvement indépendantiste et l’alliance des partisan-ne-s pour le droit de décider.
Comprendre la récente montée de l’option indépendantiste dans le contexte politique catalan
Selon Ferran Requejo, que nous avons rencontré le 24 octobre 2016, il faut remonter à 2006 pour comprendre la montée récente de l’option indépendantiste en Catalogne.
Jusque-là, la voie autonomiste a toujours été celle privilégiée par les Catalan-ne-s. En 2005, un projet de réforme du Statut d’autonomie de Catalogne visant à accorder davantage de pouvoir à la communauté autonome est adopté par son Parlement. En juin 2006, ce projet de réforme est soumis et approuvé par référendum par une forte majorité des électeur-trice-s, soit par près de 75 %. En juin 2010, le Tribunal constitutionnel espagnol invalide des pans entiers de la réforme du Statut d’autonomie de la Catalogne pourtant adoptée par le Parlement catalan et appuyée par le peuple. Dès lors, d’importantes manifestations ont eu lieu dont celle du 10 juillet 2010 qui a rassemblé plus d’un million de Catalan-ne-s dans les rues de Barcelone.
Daniel Turp et moi-même n’avons pas pu nous empêcher de poser la question suivante : « Comment un tribunal peut-il légitimement renverser une décision prise un Parlement dûment élu et entérinée par référendum par le peuple ? » . Ferran Requejo n’a pas hésité à dire qu’un tel renversement était « antidémocratique ».
Suite à ce jugement, plusieurs Catalan-ne-s qui jusqu’à ce jour n’avaient jamais été indépendantistes le sont devenus.
Un autre événement majeur a contribué à augmenter de manière significative l’appui des Catalan-ne-s à l’indépendance de leur État. En 2014, le Parlement catalan a adopté une loi visant à consulter la population pour déterminer si elle souhaite réaliser l’indépendance. Cette consultation était prévue pour le 9 novembre de cette même année. Quelques semaines avant la tenue de cette consultation prévue, le Tribunal constitutionnel espagnol invalide le décret autorisant le processus référendaire, car celui-ci contreviendrait à un des principes fondamentaux de la Constitution espagnole, à savoir « l’indissoluble unité de l’Espagne ». Pour le gouvernement espagnol, le référendum annoncé est donc qualifié d’illégal et il avise les fonctionnaires catalans que s’ils participent à l’organisation de celui-ci, ils seraient susceptibles d’être renvoyés, voire mis en accusation.
La consultation populaire a néanmoins eu lieu, mais sous l’égide non pas du gouvernement catalan, mais de la société civile. Un des arguments à l’appui de cette consultation est le droit des Catalans de décider de leur avenir. Plus de 2,2 millions (plus de 40 %) de Catalan-ne-s se sont exprimés sur la question de l’indépendance nationale sur une population comptant 5,4 millions d’électeur-trice-s. Ce sont surtout les partisans de l’option indépendantiste qui ont voté. Il n’est donc pas surprenant que 80,7 % des électeurs aient voté en faveur de l’indépendance.
Même si plus de 40 % des électeur-trice-s catalan-ne-s se sont exprimés et que plus de 80 % de ceux-ci ont voté en faveur de l’indépendance, le gouvernement espagnol n’a attribué « aucune valeur » à cette consultation populaire.
Selon Ferran Requejo, l’appui à l’option indépendantiste depuis 2010 oscille entre 40 % et 50 %. Il nous rappelle que la progression de l’indépendantisme en Catalogne pourrait dépendre de la capacité du gouvernement, des partis politiques et de la société civile de convaincre les Catalan-ne-s des avantages concrets de l’indépendance en matière économique, sociale et culturelle.
Nous avons appris pendant nos échanges avec le professeur Requejo que nous allons rencontrer pendant notre mission en Catalogne deux de ses doctorants, Lluis Pérez Lozano (25 octobre) et Marc Sanjaume (26 octobre).
Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur la montée de l’option indépendantiste en Catalogne depuis les dix dernières années :