Le recours à un processus constituant marquerait une rupture historique avec la stratégie du mouvement indépendantiste québécois
COMMUNIQUÉ
Le recours à un processus constituant marquerait une rupture historique avec la stratégie du mouvement indépendantiste québécois
Montréal, le 7 novembre 2017 – Après avoir publié un premier rapport ayant pris la forme d’une évaluation par un Groupe international d’experts du processus d’autodétermination en Catalogne, l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI) rend publique aujourd’hui sa première étude. Intitulée Les processus constituants et les indépendances nationales : perspectives internationales, comparées et québécoises, cette étude aborde les divers aspects du processus constituant à travers les contributions de cinq chercheurs invités à répondre à une question de recherche générale portant sur le rôle que peut jouer un processus constituant dans le cadre d’une démarche d’accession à l’indépendance nationale.
« Cette première étude de l’IRAI répond à la question de recherche de manière très claire : les mouvements indépendantistes ont peu ou pas eu recours à un processus dit “constituant”, ayant plutôt choisi la voie élective ou référendaire. C’est le cas notamment au Québec. Or, pareille démarche ouvrirait de nouvelles perspectives dans l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples, et en particulier du peuple québécois », précise d’entrée de jeu le président de l’IRAI, Daniel Turp qui, à titre de responsable du Comité scientifique, a coordonné cette première étude.
Voici les principaux constats de l’étude :
- De façon générale, un processus constituant réfère à une démarche d’élaboration d’une constitution.
- La responsabilité d’élaborer une constitution incombe soit à la législature ordinaire (le parlement) ou à un corps spécialement constitué à cette fin (l’assemblée constituante).
- Pour être optimal, le processus d’élaboration de la constitution dans les sociétés démocratiques contemporaines requiert l’appui et l’implication des citoyens et la meilleure façon d’y parvenir passe par une assemblée constituante suivie d’un référendum.
- Un survol international, et l’examen du cas particulier de la Catalogne, démontre que dans le cadre de leur démarche d’accession à l’indépendance nationale, la plupart des peuples n’y ont pas intégré un tel processus constituant. Le processus constituant est initié, dans la plupart des cas, après la tenue d’un référendum, d’une élection référendaire ou d’un accord sur l’indépendance.
- Au Canada, l’idée de confier à une assemblée indépendante du Parlement le soin de rédiger ou d’amender la constitution apparaît difficilement conciliable avec le principe de souveraineté parlementaire qui est au cœur de ce régime politique de type britannique.
- Le recours par le Québec à une assemblée constituante avant la tenue d’un référendum d’autodétermination serait dès lors en rupture avec un tel régime parlementaire et mettrait davantage l’accent sur la souveraineté dite populaire.
- À la lumière d’une analyse du Renvoi relatif à la sécession du Québec et des obligations et de la Loi sur la clarté, une question référendaire soumettant les enjeux de l’indépendance et de la Constitution du Québec respecterait les exigences de clarté.
Voici un résumé des cinq contributions qui sont rassemblées dans l’Étude no 1 de l’IRAI :
- Dans son « Étude sur les mécanismes d’accession à l’indépendance et les initiatives d’élaboration d’une constitution », le professeur Daniel Turp constate que les cas où des peuples désireux de se doter d’États souverains n’ont pas été nombreux à chercher à greffer un processus constituant à leur démarche indépendantiste. Il dénombre par ailleurs dix cas où on a choisi de faire converger la démarche indépendantiste avec un processus constituant et s’interroge sur les raisons d’un tel choix.
- Dans son « Survol pratique de l’élaboration des constitutions et ses considérations sur le rôle des experts », le professeur Matt Qvortrup a cherché à distinguer la participation en amont, soit l’étape d’expression des vœux populaires et la participation en aval, qui correspond aux phases de rédaction et de ratification de la constitution. Selon lui, les constitutions modernes devraient obtenir l’appui de la population, et la meilleure façon de le faire passe par l’institution d’une assemblée constituante suivie d’un référendum.
- Abordant la question de « L’autodétermination et du processus constituant en Catalogne », le chercheur Marc Sanjaume-Calvet présente les deux principales significations du processus constituant. Il désigne d’une part, l’ensemble des actions engagées tant par le gouvernement catalan que par la société civile visant à doter la Catalogne de structures étatiques permettant une éventuelle déclaration d’indépendance et définissant un modèle de pays. D’autre part, il renvoie aux discussions relatives à l’élaboration d’une constitution catalane.
- Dans sa contribution sur « Le pouvoir constituant au Canada et au Québec », le professeur Danic Parenteau se penche sur le pouvoir constituant dans les régimes politiques canadien et québécois. Il recense en particulier les nombreuses propositions mises de l’avant depuis les années 1960 en faveur d’une démarche constituante au Québec et conclut qu’une telle démarche marquerait une rupture avec la pratique constitutionnelle en place au Canada et au Québec
- Tout en rappelant que l’idée d’un processus constituant menant vers un référendum combiné sur l’indépendance et la constitution du Québec a ponctué l’histoire moderne du mouvement indépendantiste, le chercheur Anthony Beauséjour met en lumière, dans la cinquième et dernière partie de l’étude, les enjeux entourant la formulation d’une question référendaire devant les prescriptions du Renvoi relatif à la sécession du Québec et de la Loi sur la clarté.
« Par la publication de cette première étude, l’IRAI vise à s’acquitter de sa mission de réaliser, diffuser et rendre accessibles des travaux de recherche contribuant à l’avancement des connaissances scientifiques, à l’éducation publique et à un dialogue citoyen entourant les notions d’autodétermination des peuples et d’indépendances nationales. Le processus constituant, tant dans le cas du Québec qu’ailleurs dans le monde, nous apparaît un concept porteur dont il faudra à l’avenir évaluer, ici comme ailleurs, les potentialités dans le cadre de l’exercice du droit à l’autodétermination des peuples et de démarches d’accès à l’indépendance nationale », a conclu son président Daniel Turp.
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