Contestation judiciaire du rapatriement de 1982 : L’IRAI officialise sa participation
COMMUNIQUÉ
Contestation judiciaire du rapatriement de 1982
L’IRAI officialise sa participation
Montréal, 28 avril 2022 – L’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI), par la voix de son président, M. Daniel Turp, a officialisé aujourd’hui sa décision de se joindre à la contestation judiciaire du rapatriement constitutionnel de 1982, lancée plus tôt ce mois-ci.
40 ans après la signature de la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982 sans l’accord du Québec, cette contestation vise à faire déclarer invalides les principaux actes et instruments ayant conduit à ce coup de force.
Pour ce faire, les parties demanderesses exposeront de nouveaux arguments de droit, jamais testés devant les tribunaux, parmi lesquels :
- La violation de la coutume constitutionnelle qui, depuis 1867, reconnaissait clairement la nécessité pour Ottawa de recueillir l’assentiment de tous les États membres de la Fédération canadienne, y compris le Québec, avant de procéder à une révision constitutionnelle les concernant (voir l’argumentaire de Me François Boulianne) ;
- La violation de l’article 94 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui interdit au Parlement du Canada de modifier, sans l’accord du Québec, toute matière pouvant se rattacher à la tradition civiliste du Québec (à ce sujet, voir notamment les travaux(1) du professeur Guy Laforest) ;
- Les outrages aux principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance judiciaire, commis par plusieurs juges de la Cour suprême du Canada – dont le juge en chef Bora Laskin – à l’époque du Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution (1981) et dans le contexte du rapatriement, le tout à la lumière des révélations-choc du professeur Frédéric Bastien dans son livre La Bataille de Londres(2) ;
- Et plusieurs autres arguments…
La contribution originale de l’IRAI et du professeur Turp sera notamment d’illustrer en quoi, par le rapatriement de 1982, l’État canadien et la Couronne britannique vinrent nier le droit inaliénable du peuple québécois à disposer de lui-même, tant en droit interne qu’en droit international, au regard de son statut juridique et constitutionnel reconnu. Parmi les conclusions énoncées dans le pourvoi, les parties demanderesses chercheront donc à obtenir du tribunal la déclaration suivante : que le rapatriement et la modification de la constitution canadienne sans le consentement du Québec, de même que l’adoption de la Résolution concernant un projet de rapatriement et de modification de la constitution canadienne, de la Loi de 1982 sur le Canada – y compris la Loi constitutionnelle de 1982 – et de la Proclamation portant en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982 constituent une violation de droit du peuple québécois à disposer de lui-même.
Le 14 avril dernier, à l’occasion du XIe Congrès québécois de droit constitutionnel, ces différents arguments ont fait l’objet d’une discussion riche, animée et approfondie qui a su convaincre plusieurs sceptiques de la pertinence du recours judiciaire auquel l’IRAI s’est associé. Le président de l’IRAI, Daniel Turp, qui a pris part à ce congrès, a également présenté, le 21 avril suivant, une importante communication dans le cadre du colloque « Le rapatriement et ses legs » organisé par le Centre d’études constitutionnelles de l’Université d’Alberta. Intitulée « Du rapatriement constitutionnel de 1982 à la modification constitutionnelle de 2002. Les voies de collision entre le Québec et le Canada », cette communication est accessible ici.
Depuis trop longtemps, le Québec pâtit, à l’évidence, de l’hibernation du débat constitutionnel au Canada, liée au tabou qui règne sur cet enjeu fondamental parmi la classe politique. En témoignent les innombrables revers essuyés par le Québec sur le plan de ses revendications courantes et traditionnelles vis-à-vis d’Ottawa, de même que le recul, bien documenté, de son influence et de son poids politiques au sein de la Fédération canadienne.
L’une des motivations derrière le pourvoi déposé à la Cour supérieure du Québec consiste donc à sonner le réveil constitutionnel pour qu’enfin, les Québécois et les Québécoises obtiennent justice.
C’est pourquoi la demande en jugement déclaratoire, datée du 11 avril 2022, met directement en cause le gouvernement du Québec, par l’intermédiaire de son Procureur général.
À ce jour, celui-ci n’a pas encore annoncé ses couleurs.
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Les demandeurs
L’IRAI et M. Turp seront représentés par l’avocat constitutionnaliste Maxime Laporte, bien connu pour les succès qu’il a remportés en Cour d’appel dans l’affaire de la Loi 99. Il y a d’ailleurs lieu de souligner que depuis 2021, Me Laporte agit également en tant que coordonnateur à la recherche de l’Institut.
En devenant partie à la contestation, l’IRAI et le professeur Turp s’inscrivent donc au nombre des demandeurs que sont Justice pour le Québec et M. Frédéric Bastien ainsi que l’Association de défense des droits individuels et collectifs du Québec (ADDICQ) et M. Étienne-Alexis Boucher, ces derniers étant tous représentés par Me François Boulianne.
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La demande
Pour prendre connaissance de la demande en jugement déclaratoire, signée par Me François Boulianne, cliquez sur le lien ci-après :
2022-04-11 – Contestation du rapatriement de 1982 – Demande introductive d’instance
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Notes
(1) Voici un extrait pertinent de l’ouvrage de Guy Laforest, Pour la liberté d’une société distincte, Québec, 2004, Presses de l’université Laval, aux pages 130 et 131 :
Par ailleurs, les procureurs du Québec ont fait preuve d’une incroyable incurie, devant la Cour d’appel et par après devant la Cour suprême, en demandant uniquement à ces tribunaux si notre province avait un droit de veto en fonction des conventions. Plusieurs experts pensent qu’en vertu de l’article 94 de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel exige le consentement des assemblées législatives des provinces de common law chaque fois que l’on veut uniformiser les pratiques dans le champ de la propriété et des droits civils, le Québec jouit en bonne logique d’un veto statutaire. Comment le Québec, la seule province régie par le droit civil, considérant la juridiction sur la propriété et les droits civils comme l’un des principaux bienfaits du régime fédéral de 1867, pourrait-il être moins autonome dans ce domaine que n’importe laquelle province régie par les principes de la common law? C’est pourtant ce qui s’est passé en 1982. En définitive, toutes les provinces canadiennes anglaises ont donné leur accord à la réforme de M. Trudeau, respectant ainsi la lettre de l’article 94. Mais l’esprit de cet article et toute l’économie du pacte fédéral de 1867 ont été violés par l’imposition de la réforme au Québec sans son consentement.
Il est vrai que les tribunaux ont choisi d’ignorer l’argument statutaire le plus solide en faveur d’un droit de veto pour le Québec. Mais il est aussi vrai que les procureurs du Québec leur ont facilité la tâche en ne leur posant pas explicitement la question. Dans le jugement Forest, la Cour suprême du Canada a clairement établi que les droits constitutionnels fondamentaux ne pouvaient pas être prescrits par le passage du temps.
(2) Voir : Bastien, Frédéric, La Bataille de Londres : Dessous, secrets et coulisses du rapatriement constitutionnel, 2013, Montréal, Boréal, 480 pages.
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Renseignement et demande d’entrevue (Daniel Turp et Maxime Laporte) :
Annick Bélanger, 514 755-2050 belanger.annick@icloud.com